La popularité croissante de l'Internet mobile met chaque organisation dans la nécessité d'évaluer ce médium par rapport à ses objectifs de communication.
A très courte échéance l'Internet mobile se substituera en grande partie à l'Internet fixe, permettant d'atteindre des publics nouveaux et plus larges.
Les usagers d'Internet mobile ont une forme d'interaction tout autre qu'avec l'Internet fixe : ils cherchent moins la découverte, que les contraintes du portable rendent laborieuse, mais l'action pointue, rendue possible par le couplage avec les fonctions de télécommunication.
L'exploitation réussie du nouveau médium passe par l'adéquation des contenus aux critères spécifiques de la technologie mobile et par l'insertion judicieuse du nouvel outil dans l'infrastructure Internet existante.
Le souci du taux d'audience a conduit les organisations à développer des stratégies de communication multi-canal, en assurant une présence dans les média traditionnels – la presse écrite et audio-visuelle – mais aussi plus récemment dans l'Internet, en se dotant d'un site Web officiel.
Cependant, le raz de marée de la téléphonie mobile a fait éclater les frontières des média en mettant entre les mains de plus de 87% de la population mondiale (124% en Suisse) [1] un instrument capable non seulement de communication vocale ou de transmission de données (SMS - short message service), mais encore d’accéder à l'Internet (courriel) et au Web au moyen de navigateurs chaque jour plus performants.
L’accès au Web par le réseau mobile ne peut plus être considéré comme modeste [2]. En Suisse, 46,3% des usagers d'Internet (ou 2,45 millions de personnes) accèdent au Web également par un téléphone mobile, 28,4% étant des « surfeurs » quotidiens (soit 1,51 millions de personnes – chiffres de janvier 2012). Ils étaient respectivement 29,2% (1,45 millions) et 13,8% (0,683 millions) en 2010. Ceci sans tenir compte des détenteurs de tablettes de type iPad, Kindle, Playbook ou autre. La croissance au niveau mondial est de 7,4% par mois, tandis que le Web fixe a amorcé un recul de -0,2% par mois [3], faisant prévoir le dépassement du Web fixe par le Web mobile au cours de l’année 2014.
Il est symptomatique que le nombre global d’abonnés à l'Internet haut débit par le réseau mobile en 2010 fut le double (201%) de celui du réseau fixe. En Suisse, le nombre d’abonnés à l'Internet haut débit par le réseau mobile dépassait de 13,5% celui du réseau fixe, amenant l'Office fédéral de la statistique à affirmer que « L’évolution vers un Internet mobile est mesurable par le nombre d’abonnés de téléphonie mobile accédant à Internet par le biais de raccordement mobiles à large bande (3G+), qui est passé de 1,8 millions en 2008 à 3,4 millions en 2010 » [4].
Dans ce contexte, aucune stratégie soucieuse de maximiser l'audience ne saurait négliger le nouveau médium qu'est l'Internet mobile.
Depuis quelques années déjà, pratiquement tous les téléphones portables disposent de logiciel facilitant l'accès aux services Internet. Aussi peut-on dire que l'Internet mobile est bien le Web. Il faut toutefois compter avec des différences notables en ce qui concerne aussi bien les caractéristiques techniques de l'infrastructure et des terminaux utilisés, que les fonctions et applications qu'ils permettent de réaliser.
Le navigateur fourni avec chaque appareil mobile met en œuvre des fonctions de base d'accès au Web, comparables à celles présentes dans les ordinateurs individuels. Il est en outre doté de fonctions de télécommunications qui font défaut à l'ordinateur, mais qui constituent la raison d'être originelle du portable.
caractéristique fonctionnelle | disponibilité | ||
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opération | type | téléphone portable | ordinateur individuel |
navigation de pages HTML/XHTML | web | tous | tous |
courriel (liens cliquables) | web | tous | tous |
flux RSS | web | majorité | tous |
téléchargement de cartes de visite (vCard), entrées d'agenda (vCalendar) | web | majorité | majorité |
caméra pour l'accès direct au Web par le truchement de codes QR | web | nombreux, extensions | |
messagerie SMS, MMS (liens cliquables) | télécom | tous | occasionnel, extensions |
appels téléphoniques (liens cliquables) | télécom | tous | occasionnel, extensions |
géolocalisation (par satellite GPS, triangulation des relais cellulaires, carte des adresses WLAN) | télécom | nombreux, appareils récents | occasionnel, WLAN |
communication en champ proche (NFC/RFID) | télécom | occasionnel, émergent | |
boussole (magnétomètre), détection de mouvement (accéléromètre), calcul de l'orientation (gyroscope), détection de proximité, détection de luminosité. | capteur | appareils récents ; navigateur (occasionnel), ou applications |
Comme on peut le constater, les fonctions de communications et de traitement du signal présentes dans l'Internet mobile induisent un enrichissement du Web traditionnel qui en font d'ores et déjà un médium distinct du Web fixe.
Un téléphone portable est un appareil de communication et de traitement de l'information, comprenant processeurs, système d'exploitation, interfaces réseau, mémoire de masse (éventuellement amovible), dispositifs d'entrée et de sortie – une architecture somme toute similaire à celle d'un ordinateur. Cependant, l'offre des portables est atomisée : innombrables modèles, vaste palette de spécifications techniques, multiples systèmes d'exploitation – contrairement aux PC, plutôt normalisés car soumis à l'hégémonie du système Windows. Ceci oblige à envisager le Web d'une façon nouvelle, même lorsque les performances des appareils mobiles sont comparables à celles d'un PC.
caractéristique | téléphone portable | ordinateur individuel |
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mode de saisie | clavier numérique ; clavier alphanumérique compact ; écran tactile (doigts ou stylet) | clavier alphanumérique complet et souris |
usage des mains | 1 ou 2 | 2 |
manipulation | facilement orientable dans toutes les directions | fixe |
emploi | mobile ; stationnaire | stationnaire (laptop) ; statique (ordinateur de bureau) |
Une première évidence s'impose : les appareils mobiles ne sont prévus ni pour des séances prolongées de rédaction, ni pour la manipulation précise d'éléments graphiques ; l'interface doit minimiser ces opérations, par exemple en remplissant les formulaires automatiquement.
caractéristique | téléphone portable | ordinateur individuel |
---|---|---|
taille des écrans | très petite ; diagonale pouces : 1,45 – 5,3 ; variation : 1 – 3,66 | grande ; diagonale pouces : 10,1 – 32 ; variation : 1 – 3,17 |
format | mode portrait : tous les appareils ; mode paysage : smartphones | mode paysage |
résolution | très faible à moyenne ; pixels : 128x160 – 800x1280 ; variation : 1 – 50 | faible à très grande ; pixels : 800x600 – 2560x1600 ; variation : 1 – 8,53 |
définition | élevée ; pixels / pouce : 102 – 342 ; variation : 1 – 3,35 | basse ; pixels / pouce : 51 – 168 ; variation : 1 – 3,29 |
positionnement | élément HTML (p. ex. champ de formulaire, ligne de texte) : clavier ; région : tactile | élément HTML (p. ex. champ de formulaire, ligne de texte) : clavier ; pixel : souris |
défilement | vertical : tous les appareils ; horizontal : écran tactile | vertical ; horizontal : déconseillé |
L'écran est l'élément matériel qui présente les différences les plus flagrantes entre mobiles et ordinateurs, et entre portables eux-mêmes :
La quantité d'information affichable est réduite – même avec les appareils haut de gamme, dont la résolution élevée sert prioritairement à améliorer la lisibilité.
L'absence de fenêtres multiples, si familières dans les PC, interdit le travail en parallèle et la comparaison directe entre deux séries d'informations.
Le contexte permettant à l'usager de s'orienter lors de l'exploration d'un site, ou de maintenir présents des données de référence, est donc également limité.
Pour consulter un site, retrouver un renseignement, effectuer des comparaisons, l'usager mobile est donc obligé de faire défiler l'écran, de changer d'onglet, ou de se remémorer les informations nécessaires. Ces interruptions et la surcharge de la mémoire à court terme entraînent des conséquences quantifiables : une information identique consultée à l'écran d'un iPhone est jusqu'à deux fois plus difficile à appréhender qu'à l'écran d'un ordinateur [5]. Les disparités entre écrans des divers modèles de portables rendent d'autant plus indispensable une ergonomie soignée des applications mobiles.
caractéristique | téléphone portable | ordinateur individuel |
---|---|---|
débit du réseau | très faible à très élevé 14,4 Kb/s – 42 Mb/s ; variation : 1 – 2917 | faible à très élevé 56 Kb/s – 100 Mb/s ; variation : 1 – 1786 |
temps de réaction | court à très long msec : 40 – 700 ; variation : 1 – 17,5 | court à moyen msec : 10 – 100 ; variation : 1 – 10 |
taille maximale des pages | très petite à très grande 8 Ko – 8 Mo ; variation : 1 – 1000 | très grande |
données multimédia | audio et vidéo : balkanisation des implémentations ; Flash : souvent indisponible | audio et vidéo : pratiquement tous les formats mis en œuvre, diverses extensions pour navigateurs ; Flash : disponible |
Les navigateurs mobiles sont soumis à de fortes contraintes de mémoire, de bande passante et de débit du réseau ; de plus, les coûts de chargement des pages peuvent s'élever considérablement selon l'opérateur de télécommunications, le type de contrat et l'endroit depuis lequel l'usager accède au Web (itinérance). Si l'on considère enfin que bien des portables ne prennent en charge que de façon limitée la programmation au niveau du client (Javascript, cookies) ou l'accès à certains types de pages (Flash, sites vidéo, connexions sécurisées), l'on conviendra que la conception et le développement de l'Internet mobile doivent aller au-delà du Web traditionnel, et par une voie différente.
Une application pour l'Internet mobile ne saurait être une miniaturisation d'un site Web pour ordinateurs individuels, de même qu'un site Web n'est pas la transposition en format électronique d'une brochure imprimée. Chaque médium impose à la communication ses contraintes propres, l'enrichit de ses qualités particulières, et est utilisé dans un contexte différent, justifiant ainsi l'adage selon lequel « le médium est le message ».
Même s'appuyant sur des données communes, chaque service doit impérativement être modulé selon son contexte d'utilisation par les usagers. Dans le cas de l'Internet mobile :
Le service se destine aux situations de mobilité – en déplacement, en des lieux variés et imprévisibles (au bureau, chez soi, dans des véhicules, dans la rue, dans des bâtiments publics, etc).
L'interaction s'effectue dans des conditions imprévisibles – bruit et une lumière ambiantes, debout ou assis, avec une seule main, l'attention distraite par des activités concurrentes.
L'usager cherche à effectuer une tâche efficacement – sans nécessairement avoir beaucoup de temps pour s'y consacrer de manière concentrée.
Un service mobile se conçoit donc avant tout comme un tableau de bord : une information synthétique, rapidement compréhensible, accessible immédiatement, débouchant sur une interaction directe – appel téléphonique, envoi de SMS, sélection d'itinéraire.
Un service Web traditionnel, par contre, met l'accent sur la consultation et la comparaison fouillées d'informations détaillées extraites d'une base de données, accompagnées de formulaires de requêtes complexes – telles que l'on peut les trouver dans les sites de commerce électronique ou les banques de données documentaires en ligne.
Dans la mesure où elles sont pertinentes dans les deux cas de figure, les services mobiles et Web traditionnels offrent bien sûr des prestations équivalentes, quoique dans un format différent.
Chaque médium impose au contenu commun une transformation de la forme et de la structure ; en définitive, il ne s'agit plus exactement du même service.
Chaque médium se distingue par ses caractéristiques techniques et permet donc d'étendre les services aux usagers par des fonctions irréalisables ou inintéressantes avec un autre support.
L'Internet mobile n'est pas un « petit frère » moins doté de l'Internet fixe, mais un nouvel univers technologique en soi ; en tirer parti implique donc un développement spécifique [6].
Notons que cette question s'est par ailleurs déjà posée dans d'autres contextes :
Dans leur écrasante majorité, les programmes de télévision ne sont produits que pour le petit écran. Un film tourné pour le cinéma est reformaté – recadré, colorisé, accéléré pour se conformer à une grille horaire, interrompu par des annonces publicitaires. A l'inverse, une œuvre destinée à la télévision ne passe qu'exceptionnellement en salles. Du fait de la multiplicité des angles de prises de vue, des focales, des répétitions en différé, la retransmission d'un spectacle diffère considérablement de ce qui est vécu par les spectateurs sur place.
Sous sa forme de livre, le roman « les Misérables » compte 2066 pages. Au cinéma, les 2066 pages se sont transformées en un spectacle de 134 minutes. En mini-série TV, cela a donné 2 épisodes longs d'un total de 3h55. En comédie musicale, un spectacle de quelque 3 heures. D'autres versions pour le théâtre ou les dessins animés furent aussi produites. Si nous y reconnaissons les mêmes thèmes, les mêmes personnages, la même trame narrative, les 2066 pages du roman ne contiennent pas la partition musicale, les chœurs, les chansons et la chorégraphie de la comédie musicale, ni le visuel ou le découpage dynamique de la série TV.
Concrètement, l'établissement d'une présence dans l'Internet mobile s'accompagne de la restructuration et du reformatage des contenus hérités du Web fixe. Le principe à suivre consiste à maximiser la pertinence de l'information présentée aux utilisateurs et à minimiser les manipulations auxquelles ils doivent procéder pour s'en servir.
En premier lieu, il convient d'intégrer les fonctions de télécommunication, de géolocalisation, et d'interactions multi-modales dans la trame des pages Web, avec pour objectif d'enrichir l'expérience de l'usager.
Les dispositifs de communication associés aux coordonnées des usagers ou des organisations sont immédiatement activables au moyen de liens cliquables :
appels vocaux et visio pour chaque numéro de téléphone ;
messagerie SMS et MMS, courriels.
L'information et la communication sont systématiquement géolocalisées :
plans de ville associés aux adresses ;
localisation de l'usager et calcul d'itinéraires ;
requêtes enrichies des coordonnées géographiques.
L'interface avec le Web s'effectue au travers des dispositifs de saisie d'information propres aux portables, notamment la caméra :
activation de liens Internet par le truchement de codes-barres à deux dimensions, ou codes QR ;
recherches d'information par reconnaissance d'images.
L'accès aux services disponibles dans l'Internet mobile (par exemple horaires de transports publics, billetterie, services financiers) est facilité en insérant des liens judicieusement choisis dans les pages Web, afin d'éviter un détour fastidieux par un moteur de recherche.
Deuxièmement, il est nécessaire d'analyser et de discriminer le contenu, afin de le structurer et de le formater de manière adéquate pour le nouveau médium – l'accent étant cette fois-ci mis sur l'ergonomie du service mobile [7]. Il ne s'agit guère de sacrifier les contenus originaux, mais plutôt de comprendre quels buts l'usager poursuit et d'éliminer les obstacles qui l'empêchent de les atteindre.
Une structure rationnelle du site empêche la désorientation.
Les chemins de navigation sont raccourcis, l’information est accessible en trois clics au plus.
La hiérarchie du site et des menus est élaguée, les connexions entre pages limitées à quelques liens intuitifs organisés systématiquement.
Chaque écran amène les éléments pertinents pour l'interaction en cours, sans submerger l'usager d'informations surabondantes.
L'usager obtient immédiatement les informations principales et peut ensuite demander davantage de détails qui lui seront progressivement divulgués dans des pages annexes ou à l'aide de sections télescopiques.
Lors d'une requête complexe, les options, formulaires et résultats sont affichés en étapes distinctes, cohérentes et ordonnancées logiquement.
La structure des pages est allégée, rendue plus compréhensible et lisible sur les écrans réduits des portables, ce qui permet également de contrôler le coût afférant aux transferts de données par réseau cellulaire.
La sobriété prime : indications succinctes au lieu de descriptions verbeuses, pictogrammes au lieu de définitions textuelles, graphiques au lieu de tableaux de chiffres.
Le contenu superflu ou redondant est éliminé.
Des éléments couramment utilisés dans le Web fixe (par exemple, boîtes-éclair, fenêtres et menus contextuels, cartes-images, cadres HTML) ne fonctionnent – si tant est – que médiocrement sur les portables ; on évite d'en dépendre dans la conception des services mobiles.
Le service est conçu pour les écrans et modes de saisie des portables.
Les informations ne sont pas simplement redimensionnées pour s'afficher entièrement sur un écran de téléphone ; dans le cas d'un plan de ville, par exemple, l'échelle de la carte est ajustée en fonction de la taille de l'écran.
La disposition de l'information et les éléments d'interaction sont réorganisés : présentation aérée pour une manipulation sans ambiguïté avec un écran tactile, présentation compacte pour réduire les opérations de défilement avec un clavier numérique.
Une prise en compte réussie de l'Internet mobile implique la mise à plat de quatre questions primordiales.
Il est généralement admis que les usagers du Web mobile veulent accomplir une tâche précise, tandis que les usagers du Web fixe sont plus enclins à explorer le site en quête de découvertes. Par ailleurs, les utilisateurs d'un ordinateur sont prêts à s'engager dans des transactions complexes car outillés pour cela, alors que beaucoup d'utilisateurs de téléphones portables risquent d'être plus rapidement découragés face à de laborieuses saisies de données. Aussi, l’expérience personnelle de l'utilisateur du Web mobile doit-elle être engageante, conviviale, menant rapidement au but.
Quel que soit le véhicule de migration choisi, le fournisseur de contenus ne peut donc pas s’épargner l'effort de passer le contenu au crible, afin de déterminer les éléments qui doivent apparaître dans le mobile, selon quelle hiérarchie et séquence, et pour quel objectif. Une statistique des pages les plus visitées du site Web existant, en fonction du terminal employé (ordinateur, tablette, ou téléphone portable), permet d'identifier les éléments prioritaires devant figurer dans le site mobile. On peut profiter de cette analyse pour procéder à un élagage souvent bienvenu du site fixe lui-même.
Enfin, le mode d'interaction avec le site doit être étudié afin de replacer les manipulations dans un contexte mobile – remplissage de formulaires, choix dans des listes d'options, basculement vers d'autres outils (appels vocaux, SMS, etc), localisation de l'usager, etc.
S'il est avantageux de se faire assister par le technicien, afin de mieux savoir ce qu'il est possible de faire, c'est le responsable de la communication qui en dernier lieu décide de l'organisation du site et des informations à y intégrer.
L’évolution du Web a abouti à une situation où les contenus se trouvent parfois stockés dans des CMS (content management systems) sous forme de répertoires de données non-structurées, l'accent ayant souvent été mis sur l'organisation des éléments de navigation (menus, onglets, raccourcis), la disposition de l'information dans la page et son aspect, plutôt que sur la structuration de l'information.
Mieux les données originelles sont structurées sémantiquement, plus l'intégration fixe-mobile est aisée et plus facile est l'enrichissement du contenu par des fonctions spécifiquement mobiles, de télécommunications ou de géolocalisation – dont peut éventuellement bénéficier le site fixe lui-même. En l'absence d'une structure suffisante, il faut au préalable trier les répertoires et en structurer les données, afin de disposer d'un contenu neutre que l'on peut décomposer et faire correspondre à une organisation des pages pour n'importe quel terminal. Ceci explique pourquoi il est illusoire de s'appuyer sur des méthodes de transcodage de pages formatées pour le Web fixe en information taillée pour le Web mobile [8] : un document HTML mélange indissociablement les instructions et balises de structuration sémantique et celles servant à des fins stylistiques.
Une fois que les données de base du CMS disposent de marqueurs sémantiques adéquats, il est possible de les extraire, manipuler et convertir dans les divers formats pour Internet mobile, et ainsi d'établir une chaîne intégrée de traitement et de mise à jour – le CMS fournissant les données de base qui sont reprises et exploitées dans les sites Web fixe et mobile, et, en retour, enregistrant les données produites par les usagers des sites Web fixe et mobile (par exemple lors de l'envoi de formulaires d'inscription) dans une base de données unique.
Un site Web recourt souvent à des services externes ; il convient d'examiner systématiquement ces dépendances et de remplacer les liens correspondants par leurs équivalents mobiles (par exemple : publicité, analyse de fréquentation, services externes de billetterie, de transport, de restauration...)
Un élément central d'un tel système est la procédure de reconnaissance de l'appareil utilisé pour accéder au site, ce qui implique une base de données de définition de terminaux régulièrement mise à jour.
Si, comme expliqué plus haut, le contenu est le même, quoique structuré et présenté de manière différente, il en découle que la diversification des expériences d'accès au Web peut être mise en œuvre selon trois méthodes principales.
Par adaptation semi-automatique du site Web fixe existant.
La technique de base consiste à convertir les pages Web dans un format approprié pour les mobiles à l'aide d'un module de transcodage ajouté au CMS ou au serveur HTTP. La structure, le contenu et les chemins d'accès du site ne subissent aucune altération fondamentale. Certains outils permettent d'affiner les conversions – par exemple en éliminant et en réordonnant les éléments d'une page, ou en ajustant les feuilles de style – mais peuvent obliger à une re-définition de ces conversions chaque fois que la page source est modifiée.
Cette démarche permet la mise en place rapide d'un site mobile, mais ne fournit des résultats acceptables que pour des sites au contenu, au style et à l'architecture fort simples. De plus, de nombreux éléments sont simplement redimensionnés mais non recalculés pour une présentation optimale sur les écrans des portables (par exemple plans de ville, graphiques, diagrammes). Enfin, cette démarche ne permet pas véritablement d'introduire des fonctions spécifiquement mobiles, puisque le résultat est strictement calqué sur le site fixe.
Par définition d'un site Web adaptatif commun.
Cette démarche, qui suscite un grand intérêt à l'heure actuelle, consiste à structurer un site unique de telle sorte que la présentation des pages s'ajuste automatiquement aux caractéristiques des terminaux y accédant. Elle s'appuie sur une feuille de style paramétrée qui choisit l'organisation des éléments de la page en fonction des dimensions de l'écran ; sur des procédures Javascript qui déterminent les attributs du terminal et construisent les pages dynamiquement (à l'aide d'AJAX) ; sur un jeu d'images et de ressources multimédia de différentes dimensions et résolutions pour chaque catégorie d'écran.
Les sites Web adaptatifs donnent des résultats probants avec des portables haut de gamme performants qui implémentent les standards Internet (CSS, Javascript, HTML5, DOM) les plus récents. La démarche est inopérante avec des terminaux moins capables, et constitue d'ailleurs plus une série d'astuces et de techniques qu'une méthode cohérente. Même dans le cas où une architecture unique se révèle valable pour les sites fixes et mobiles, l'approche se heurte à un obstacle conséquent : elle exige la refonte complète du site Web existant.
Par construction d'un site Web mobile séparé.
L'approche la mieux maîtrisée consiste à concevoir un site optimisé pour terminaux mobiles. Les pages sont organisées, enrichies et présentées en suivant les indications fournies dans le présent document. Le contenu de base est extrait du CMS existant, transformé pour présentation sur mobile, puis stocké dans la plateforme d'Internet mobile ; il est mis à jour lorsque des modifications sont enregistrées dans le CMS source.
Du fait des différences fondamentales d'ergonomie et de performance entre Internet fixe et mobile, cette approche est recommandée pour des sites mobiles conviviaux [9]. La difficulté principale consiste à éviter la saisie double des informations présentes dans les deux sites, et à coordonner leur mise à jour.
Le référencement du site Web s'effectue par le biais d'un domaine unique (www.site.ch), ou par des noms de domaines distincts (mobile.site.ch et www.site.ch).
Dans le premier cas, à un contenu identique correspond une seule adresse Web (URL), aboutissant, après détection au niveau du serveur du type de terminal utilisé, aux pages pour Web fixe si le terminal est un ordinateur, ou à celles pour Web mobile s'il s'agit d'un appareil portable.
Comme certains appareils telles que les tablettes se situent à la frontière entre terminaux fixes et portables, il faut dans tous les cas laisser à l'usager la possibilité de basculer vers l'une ou l'autre des deux représentations [10].
Dans le cas de domaines séparés, la décision d'accéder à l'un ou l'autre des sites appartient, dès l'abord, à l'usager – qui doit introduire l'URL correspondant.
A la suite d'échanges d'URL (par exemple par courriel), une référence pour mobile peut se retrouver dans le navigateur d'un ordinateur, ou vice-versa ; chaque site doit donc contenir un lien vers son alter-ego afin de permettre à l'usager de basculer vers la représentation la plus appropriée.
On attribue à Google l'assertion que le Web mobile sert à attirer l'utilisateur et les apps à le fidéliser. Le responsable de l'organisation doit trancher sur ce qui est primordial [11] : atteindre le taux le plus élevé possible du public cible, ou offrir aux fidèles une expérience unique ?
Négliger la majorité des utilisateurs qui possèdent des appareils de bas et de milieu de gamme n'est toutefois pas la contrepartie obligée d'une stratégie mobile : l'optimisation du site pour tous les terminaux – quels que soient les systèmes d'exploitation, les tailles d’écran, les capacités techniques ou les interfaces – est chose immédiatement réalisable avec une plateforme d’Internet mobile, de la même façon qu'un site Web fixe fonctionne avec tous les modèles, systèmes d'exploitation et navigateurs de PC.
En outre, le déploiement d'un site Web mobile revient dans la règle moins cher qu’une application native :
Le Web mobile autorise un développement unique pour tous les terminaux, alors que les apps exigent une programmation et des tests pour chaque système d'exploitation propriétaire.
La mise en route se réduit au chargement du site Web mobile dans un serveur ; point n'est besoin de le soumettre, en solliciter l'approbation et la mise en catalogue auprès d'une quelconque boutique d'apps (« app store »).
La maintenance d'un site Web ne requiert qu'une intervention centralisée pour introduire de nouveaux fichiers dans le serveur. Il n'est pas nécessaire d'avertir les usagers afin qu'ils lancent une procédure d'actualisation ; ils bénéficient de la version la plus récente du service lorsqu'ils se connectent au site.
Enfin, une plateforme Web mobile construite à l'aide de technologies ouvertes et respectueuse des normes internationales a une espérance de vie bien plus élevée que tout système propriétaire.
Si Web et apps sont des démarches complémentaires plutôt que mutuellement exclusives, le Web mobile constitue assurément l'option prioritaire pour la mise en œuvre de services universels et pérennes. Ainsi, le Financial Times a mis un terme au développement de ses « apps » pour l'édition en ligne du journal en faveur d'une approche multi-plateforme réalisée en HTML5, comprenant une base commune optimisée pour différentes catégories de terminaux. Cette expérience montre que la technologie Web arrive au point où un site Internet soigneusement conçu ne le cède en rien à une application spécialisée [12].
Le panorama brossé dans les pages précédentes peut faire l'effet d'une douche froide pour les développeurs et responsables habitués au paradigme Web traditionnel : les terminaux mobiles ne constituant pas une catégorie vaguement exotique d'ordinateurs portables, toute activité dans ce domaine entraîne un remaniement de la stratégie Internet, ainsi que des efforts particuliers de développement.
La différence de nature entre les Web fixe et mobile étant établie, il ne faut pas perdre de vue les avantages considérables qui en découlent : des fonctions innovantes, conviviales et utiles, impossibles à réaliser avec le Web fixe ; une immédiateté des services incomparable ; une couverture supérieure du public-cible. Ces bénéfices sont tels que d'aucuns proposent, sous le slogan de « mobile first », de privilégier le Web mobile dans la conception de services Internet. Sans aller aussi loin, une organisation peut adopter ce nouveau médium et tirer parti des ses riches potentialités – d'ailleurs en constant accroissement – en tenant compte des éléments de réflexion exposés dans cet article.
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Première publication : 2012-04-26.